Valeurs et jugements. Besoins pour le paraître.



Ces valeurs « qui apparaissent en ce moment ne sont qu’une perception » vivent ensemble et la volonté de création les fait se côtoyer et se dévoiler aux jugements et aux devenirs d’un classement dans une société avide de surprises s’offrant souvent à la consternation. « La perception est composée de parties. Ces parties sont ainsi disposées qu’elles nous apportent la notion de distance et de contiguïté, de longueur, de largeur et de profondeur. Ces trois dimensions sont bornées ; et nous avons ainsi ce que nous appelons la figure. Cette figure est mobile, séparable et divisible. La mobilité et la séparabilité sont des propriétés distinctives des objets étendus. Et, pour couper court à toutes les disputes, l’idée même d’étendue n’est copiée  de rien d’autre que d’une impression et doit en conséquence lui correspondre parfaitement. Dire que l’idée d’étendue correspond à une chose, c’est dire qu’elle est étendue[1]»
Intégrons nos propos à des souvenirs de situations vécues.
Allez faire vos courses ordinaires porte de Saint Cloud à Paris, chez une enseigne hyperconnue (jeu de mots), il vous faut le lundi être endimanché et le vendredi soir ou le samedi soir avoir vos raquettes de tennis dans le dos et en basket. L'ambiance y serait presque "feutrée". La même enseigne à 25km de là ... je vous laisse seuls juges. Pourtant les produits sont identiques en tous points, même les places dans le magasin qui paraît pourtant différent. Dernièrement, une marque de vêtement (dite de luxe seulement par ces prix) profère le droit à s'exhiber dans un hypermarché, sous prétexte (captieux et sournois) que ses clientes pourraient et y seraient certainement. Tirons vers le bas la société et enlevons le pouvoir de surprendre dans cette culture de zone industrielle. Ces "gens" comme ils disent, ne vont pas faire leurs courses, ils envoient des personnes plus qualifiées que sont les personnels de maison. Alors! Quid de la démonstration et de la solution pour leur C.A hors taxe... 
Un peu d’histoire nous apprend que les matériaux utilisés n’avaient pas, n’ont pas, n’auront jamais la valeur ajoutée que nous leur accordons au fil du temps. Remontons jusqu’aux Antiquités : les notoriétés et les élaborations  des matières premières en fonction des groupes sociétaux  s’établissaient  par la rareté  et par les découvertes successives de tels ou tels matériaux. Une matière pouvait avoir des faveurs parce que sa découverte incitait l’émergence d’un style ou d’une appartenance à une société. Les pierres précieuses ou semi-précieuses ne manquaient pas à la règle auxquelles il faut ajouter les trois métaux : or, argent, platine. Ce dernier remplace  en ce début 20ème siècle le maillechort qui est un alliage couramment utilisé. Si je parle de ces matières, c’est qu’elles sont représentatives d’une image du luxe et d’une société vouée, aux comportements régis par des codes du luxe.
Pour les lieux d’achats du luxe, il faut suivre à la trace les groupes où les tribus peuvent espérer se fournir et s’exhiber immédiatement, rendant  ainsi le service du bouche-à-oreille très efficace et pour les créateurs ne pas se soucier d’une forme de communication trop large mais, surtout très élitiste. Y compris pour les transgressions, je dirai même surtout pour les transgressions, aux codes successifs des modes du luxe (jean's troués et effilochés portés avec un chemisier dont la seule valeur du tissu n'est pas compréhensible au commun) . Les assemblages utilisés ne sont, de toutes les façons, pas identiques et pas compris de façon similaire. C’est la raison pour laquelle cette société comprend si aisément - ou croit déchiffrer – une connaissance de leurs attributs parce que « l’anxieuse pensée » sépare la relation spontanée et « l’immobilisation dans un absolu ». Elle ne peut plus concevoir de rapport entre les dispositions que par association et préfère marquer leurs rapports et leur au-delà d’harmonie plutôt que leur mélancolie et la réciprocité de leurs tourments.
« Ce qui revient à cette question : à quoi sommes-nous intéressés ? À quoi vraiment tenons-nous ? Est-ce à nous refuser, à l’infection de ce qui se perd, et à nous enfermer dans le château de parole comme le roi dans le récit d’Edgar Poe, loin du pays de la peste ? Ou aimons-nous pour lui-même l’objet perdu, voulons-nous à tout prix le ressaisir ? (........) Apparences bannies, plaisirs et sentiments dédaignés, rien n’est requis du réel pour fonder le nouveau pays que l’insoupçonnable forme des choses, celle qui survit à leur mort, à l’effacement même du souvenir – la presque disparition vibratoire que le mot semble avoir par chance, pouvoir mystérieux d’inventer…[2] »



[1] David Hume, Système sceptique et autres systèmes, Éditions du seuil, coll. inédit essais, (1740) Paris 2002, p. 205-207
[2] Yves Bonnefoy, L’improbable, et autres essais, (1980) Gallimard, coll. Folio essais, Paris 1992, p. 109-110. Nota : Cette partie de texte n’est pas dans ce que l’auteur a pu décrire et expliquer dans ses pages. Je me suis permis une utilisation par métaphore convenant ainsi à mon sujet…