Le mensonge et l’ordinaire


 “La véracité n’a jamais figuré au nombre des vertus politiques, et le mensonge a toujours été considéré comme un moyen parfaitement justifié dans les affaires politiques”[1]


Le mensonge est avant tout mauvaise foi et sa définition ordinaire l’annonce comme une sentence divergente de l’intention de celui qui l'émet. À ceci près qu’en rappelant une analyse sommaire que prêcher le faux entraîne le mensonge de l’erreur qui est une bonne foi conforme à la pensée de l’être qui la commet. Distinguo obligé pour tout penseur amené à soulever un mensonge  que mentir involontairement en disant une vérité, si l’obligation de révélation n’était pas avéré, intention de ne pas dire, écarte l’idée du mensonge. Nous avons à considérer aussi que le véhicule de notre pensée reste principalement nos langages (jargon, argot) par lesquels nous pouvons essentiellement avoir l’intention de tromper ou avoir un facteur de dissimulation de notre pensée. Ces deux formes sont bien évidemment et structurellement des mensonges.
S’en prendre ouvertement et suivre la vindicte contre une personne (fusse-t-elle au devant de la scène par sa fonction) et en vue de la nuire est une faute pour toute personne produisant une fausse morale sous couvert de constat social. Qui plus est de faire paraître sa pensée dans un quotidien qui au nombre de ses lecteurs ne représente rien ou plus d’importance dans les débats d’idée. Dire que les langages des politiques ont un verbe éloigné ou s’éloignant du monde civil et courant est (peut être une réalité) se montrer sans considération pour ceux qui lisent et qui peuvent posséder une opinion sans que nous ayons à leur apprendre à décrypter. Ce serait les méconnaître. Cette assertion, indépendamment de son élévation contestatrice, a cette vertu d’attirer ma vigilance sur une apparence tragique de la vie humaine, observée dans une étendue universelle. « La liberté d'opinion est une farce si l'information sur les faits n'est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l'objet du débat[2] ». Or, mettre de la distance entre le fait provocant un brouhaha et un divertissement médiatique d’un instant et la véracité du fait est indispensable. À toute fin, il faut savoir attendre de l’ordre, le contrordre et surtout le fait apparent, la réalité sous-jacente. Le premier fonde un débat et occasionne un grand bruit, quelques temps après la vérité ne se montre pas ou plus. La vérification du premier n’ayant pas été apportée (prouvée) ou faussement épinglée, la meute s’est lâchée. 
Le problème important est que des universitaires soient « tombés » dans le panneau de certains politiques, aidant par ce gué à la vente d’idée, controversés par ailleurs. Ceux qui doivent apporter de la cohérence, de la sureté de jugement avec le temps nécessaire ont pris le parti de se poser entre une opinion se disant « blessée » (surtout celle des politiques dans un esprit de revanche attendue) et l’opinion publique devenue par ce biais mal informée. La vérification des faits, non pris à chaud, a donné raison à ceux qui se sont tus. Prêcher que nous n’y comprenons plus rien dans les langages très élitaires ou élitistes, affirmer qu’il existe un décalage profond entre ce que pense ou essaye de penser la population dans son ensemble et des gouvernants qu’ils soient patronaux, politiques ou religieux, c’est enfoncer des portes ouvertes, si j’ose m’exprimer ainsi. D’ailleurs, militaires et religieux se sont tous installés avec des malentendus mensongers depuis des millénaires. 
Les services publics sont moins atteints que les services commerciaux et les « marketeurs », les publicitaires et les chefs d’entreprises. Ces derniers ont pour vocation primaire de vendre par tous les moyens et en premier de ceux-ci figure le mensonge habilement dissimulé par un langage sous des mots. La décence, mot disparaissant des vocabulaires, était dans nos écoles de la République une vertu que devaient avoir nos élus, encore une fois politiques, militaires ou religieux, enseignants. Faire volontairement imprimer des constats pour donner des leçons alors que les vies professionnelles ont été remplies par le devoir de réserve, transgresser cette propriété devient un mensonge caché derrière une notoriété. Le langage utilisé par tous ces improductifs, comme je l’ai déjà écrit, est tout aussi hermétique à l’ensemble des lecteurs que ces auteurs veulent atteindre et dans leur souhait perdu au fin fond de leur cerveau, au plus grand nombre.
Kant affirmait dans son opus « Critique de la raison pure » à l’encontre de Benjamin Constant que : « il (le mensonge) empêche autrui d’agir rationnellement et librement, autrement dit mentir remet en cause la dignité d’autrui. » mais encore : « Car le mensonge nuit toujours à autrui : même s’il ne nuit pas à un autre homme, il nuit à l’humanité en général et il rend vaine la source du droit » Quant au second, il assurait haut et clair sur l’idée du devoir s’opposant au mensonge : « L’idée de devoir est inséparable de celle de droits : un devoir est ce qui, dans un être, correspond aux droits d’un autre. Là où il n’y a pas de droits, il n’y a pas de devoirs. Dire la vérité n’est donc un devoir qu’envers ceux qui ont droit à la vérité. Or nul homme n’a droit à la vérité qui nuit à autrui. »

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[1] Sur Hannah Arendt, Blog Médiapart, Ugaldé,  7/06/2013