« Le nom des fous est écrit partout »


« Le nom des fous est écrit partout ».

            Cet adage est celui d’une société, fermée le plus possible sur elle-même, au  luxe quotidien compris comme méthode de vie, à l’encontre d‘une société très actuelle exhibitionniste et utilisatrice des codes du luxe.
            « Le luxe ne doit pas se voir » lord Byron a complété son aphorisme préféré par : « L’élégance de vivre est un art qui doit se deviner … »

Pour compléter ce dont nous venons de mettre en place, il faut parler de l’apparition du «logo» : transfuge des marques de club et autres sociétés précitées. Historiquement et au niveau mondial, l’invention, ou plutôt la transgression au code de bonne conduite de ne pas faire apparaître son nom, nous la devons à une couturière de talent avec des accessoires en maroquinerie fournissant sa clientèle particulière et les autres grands couturiers. Elle a voulu
très tôt empêcher les copies flagrantes de ses créations. Elle eut cette idée d’apposer, ses initiales, devenues le sigle de sa maison sur les produits. Ses habits portaient son empreinte digitale, IL s’agit de Madeleine Vionnet[1]. Avec son V et M entrelacé dans un ovale, sa démarche commerciale fit sensation (acceptation et réprobation), déclencha le système de contrôle de sa production par entreprise située avenue Montaigne à Paris jusqu’en 1939. Toutes les autres maisons, à cette époque, signaient leurs productions. Certes, toutes les industries, même avant celle du luxe, appliquaient leurs marques, parfois nominatives. Mais ce fut le premier sigle en tant que tel qui fut mis en évidence décorative et à but commercial.
Par cette transgression à un code universel, une demande s’est créé dont nous ne pouvons pas, encore à l’heure actuelle, désavouer l’actualité. Signalons qu’il y a une grande différence entre la marque apposée comme signature (griffe) et le logo qui sert ou va servir à toutes les campagnes de repère et de fidélisation de la marque. Ce qui était griffe devient marque. Bien après, les fonds de tissus ou de cuir déjà imprimé ou enduit des signes distinctifs d’une entreprise ont fait l’objet de repères, tel Louis Vuitton et le 1er des couturiers à le faire fut Pierre Balmain. Les remplissages de surface se sont alors transformés en codes et se sont imposé comme vecteur dans les groupes de sociétés, pôle transmetteur de code.

Les « grandes maisons » qui, de plus en plus, utilisaient les sigles et les cachets d’accréditations auprès des cours, se sont mises à utiliser leurs patronymes. Les grands joailliers (Mellerio dit Meller, Chaumet, Cartier…), les maisons de fournitures, grands malletiers (Hermés, Goyard, Vuitton, etc.. ) les tailleurs (Lanvin, Charvet. Schiltz ) ont tous pris ce système au point de chercher de qui et qui pouvaient bien être le propriétaire de ces dépôts de brevets, de marques et de modèles de sigle. L’affaire Chanel/Cartier pour l’utilisation du double C inversé dans un ovale a commencé en 1950 et s’est soldé en 1977. Le dictat juridique ayant donné raison à Chanel, avantage à la date de création prouvée 1949, mais en stipulant des autorisations précises d’utilisations possibles aux deux groupes industriels.

Il va s’en dire que les logos ont fortement contribué à l’implantation du désir d’acheter, du désir d’obtenir et du désir de faire partie d’un groupe reconnu et identifiable, désir tribal désir obsessionnel, narcissisme des services commerciaux.  C’est tout aussi caractéristique et tellement recherché que cela a suscité le désir d’obtenir l’apparence du produit à bas prix, instituant les industries des copies et des contrefaçons. Le désir de monstration a institué le mal industriel. Cela ne pouvait exister préalablement dans la mesure ou l’objet à falsifier était ou restait, pour être identifiable, trop compliqué à copier industriellement. Dans cette méthode de flux du désir, les codes étaient bien situés.
Il fallait qu’à une distance respectable, et pas trop près, que l’objet fût reconnu.

            Une autre forme de reconnaissance de la marque sera cette façon de désigner un produit par sa marque devenue nom commun engendrant ainsi une publicité cachée. Je n’irai pas plus loin quand il est dit « Frigidaire » à la place de réfrigérateur, un « BIC » à la place de stylo à bille, Un des premiers aura été la nomination des réceptacles d’ordures à ramasser par le nom du préfet « POUBELLE » ou des canapés pour manger rapidement prenant le nom de son initiateur « Lord Sandwich » ; transfert d’images chères à M. Merleau-Ponty.
          De la discrétion initiale, il ne restait rien. La marque était devenue un véhicule du désir de monstration, d’exhibition, désir accompli.

           La transgression est alors évidente quand nous pouvons faire ce rapprochement en rappelant que les grandes maisons cachaient leur marque, seule comptait le style de l’objet. Une robe de Balenciaga ou Jacques Fath avait l’étiquette cachée dans une couture ou encore mieux dans l’ourlet de la jupe ou de la robe. Les premiers sacs de Chanel comportaient leurs étiquettes dans la doublure du sac avec son numéro de fabrication. Seule la façon, le fameux matelassé et la boucle de fermeture, pouvait signaler la provenance. La montre la plus copiée fut en 1965/1970 la « Footing » d’Hermès. Cette entreprise familiale avait pour devise : copier et l’acheteur viendra un jour acheter chez nous. Ce qui s’était révélé parfaitement exact jusqu’à la mise en place de l’industrie de la contrefaçon. Industrie dont le premier pourfendeur, le premier « Zorro » aura été le groupe Cartier dans ce début des années 80. Cette société avait son modèle de montre nommée « La Tank », la montre à 1000 dollars US qui ne pouvait s’acquérir que dans les 3 magasins de ce qui n’était pas encore un groupe de luxe : rue de la paix Paris, New bonds street Londres et 5th avenue New york.

          Mais rien n’y fera……La demande en produits siglés était trop forte. La copie de plus en plus nombreuse. Envahissement du corps créatif par des étrangers à l’idée.

        Ce code du luxe et de la vision directe de la provenance, même si cette dernière est fausse et cachée, s’est trouvé être répandu pour tous les produits arrivant sur le commerce international. En premier, les approches de prédilection dans des nouveaux secteurs seront les aéroports avec leur « duty free shop » lieux de transit des nouvelles tendances aux voyages lointains, la marque de ceux qui voyagent en long courrier.

          La gangrène de la marque apposée a fait passer au second plan les technologies et les industries pour n’avoir comme principe ou système que le profit immédiat en monnaie. Peu importe l’apparence indiscutable ou exacte par rapport à la production copiée, peu importe l’idée des créateurs ainsi dévoyés, peu importe le message éventuel…Il faut être rentable à coups surs et très vite. Dans l’autre sens, la production « des luxes et objets tendances » a changé de visage, passant d’artisanale à industrielle. Avantages financiers certains.

à suivre


[1] UNE MAISON DE COUTURE ENGAGÉE ET À L'ESPRIT SOCIAL
Madeleine Vionnet s'engage, dès 1920, contre la contrefaçon et crée en 1922 l'Association pour la défense des arts plastiques et appliqués. Elle photographie ses modèles, de face, de dos et de profil, et y appose une étiquette munie de son empreinte digitale
Exposition au Musée de la mode, rue de Rivoli à Paris. Du 24/06 au 31/12/2009

Sexualité et Hybridation


                                    Sexualité et hybridation 
L’hybridation, c’est une fécondation croisée entre deux plantes aux propriétés différentes mais génétiquement compatibles. C’est par ce phénomène que la diversité est apparue, c’est également par ce phénomène que l’on crée de nouvelles « variétés ». Imaginons un descendant des vikings (barbares aux cheveux blonds et aux yeux bleus) s’installant avec ses congénères sur deux axes d’envahissement en royaume franc : un axe vers Lutèce et sa région, un axe normand vers la Bretagne et les pays charentais. Ce qui devait se produire arriva au fin fond des colonies extrêmes orientales pour des raisons cachées d’hégémonie et voire de christianisation : la réunion de deux familles pour donner une généalogie expansée. Encore que, dans la branche charentaise, les évènements nous y font percevoir des corses, des marins faisant face aux Amériques et donc s’en suivit un mariage corse/iroquois. Tout cela pour exposer que l’hybridation humaine et sociologique vient par les métissages et les imbrications des us et coutumes transportés, aménagés et exploités aux fins de conciliations ethnologiques. Comment procéder à ces assemblages sans voir et admettre les jeux sexuels (forcés ou consentis) rapports entre ceux et celles qui vivent côte à côte. Il sera question en conclusion de cette hybridation qui ne prend que très rarement : les situations d’adoption. Parti de bons sentiments purs pour subvenir à la fourniture de moments heureux d’un être qui n’a rien demandé pas même d’être né, l’adoption se révèle être une hybridation parfait exemple de consentements ou de manœuvres forcées pour se donner bonne conscience et remplir un vide (celui de l’enfantement) que la nature aura refusé ou quand le temps aura fait découvrir l’enfant (placé) adopté comme étant homosexuel[1].
Après ce rappel, remplaçons les mots pour avoir la possibilité de mesurer le constat proposé.
Admettons, en première image, que nous désirions produire des formes de société X dont les êtres qui la composent seraient compris comme idéalement sociaux et ceux qui n'existeraient pas encore apparaissant avec une marginalisation accentuée ou tout simplement une immigration (voulue, forcée). Nous allons donc essayer de croiser des X existants à avec leurs us et coutumes avec d’autres et, aussi, leurs habitus. En ce Moyen-Âge européen, dénommés barbares, les hybridations ont largement été les résultats des ingressions, des phénoménologie invasives de sociétés entre-elles[2].…  Nous constaterons des hybridations devenant des habitudes par leur quotidienneté. Avec beaucoup de chance, un jour nous obtiendrons une forme de race dont les protagonistes une fois bien installés, donnera naissance à des X, métissage enregistré; une hybridation aura été réussie. Il est bon de savoir que lorsque l’hybridation sociologique et l’hybridation sexuelle se pratique artificiellement, les éléments issus de la première mixité sociale auront pour la plupart les caractéristiques de la société la plus représentée. Dans de nombreux cas, qu’ils soient de civilisations contemporaines ou des cultures anciennes aux structures apparaissant comme continuelles, les morales d’une même ethnologie pourtant déjà hybride, ne peuvent se métisser. Il devient nécessaire de faire intervenir des éléments (guerre, famine, déplacement de populations entières) très différents, de généalogies très étrangères, afin de percevoir des mixtions croisées progressivement étendues à des degrés différents à toute l’Europe continentale.
Je reviendrai sur ce point montrant que la scène de la sexualité contemporaine est le théâtre d’un foisonnement d’hybrides. Comment ne pas penser un seul instant que les jeux sexuels ne seraient pas de l’hybride ? Nous pouvons nous contenter du pouvoir religieux en la matière qui n’offre que la solution de la reproduction. Nous pouvons aussi deviner ce que peut être cette sexualité initiée par l’approche mentale du ou des plaisirs. Plaisirs des corps. Alors, dans ces conditions, pourquoi ne pas rejoindre les esprits des poètes, des peintres, des sculpteurs et autres artistes y compris ceux de la danse et de la musique ? Peut être quelqu’un pourra-t-il, un jour, me confirmer ce que Maurice Béjart demandait à ses danseurs (homme ou femme, impossible à distinguer tant les costumes étaient à minima et identiques) de rechercher l’orgasme en s’exprimant avec leur corps et finir le ballet en sublimation [3] . Les images de consensus entre les acteurs forcément orgasmique et surtout très onaniste ne procuraient rien dans la salle ou chez les regardeurs mais la pensée restait une pensée hybride : des danseurs, il en était fait des corps exposés évoluant sous la musique des transes.
Il est temps, maintenant, d’illustrer une seconde image. Elle représente le paysage de la sexualité et des jeux sexuels actuels. Les intentions ont perdu de leur pureté car elles sont nuancées, mélangées. Les contours des figures sont flous et la perspective est multiple, comme dans les tableaux des impressionnistes, de Cézanne et des cubistes puis les surréalistes. La scène du jeu sexuel ou de la nature des relations sexuelles est animée par une pluralité d’acteurs qui participent activement à la production d’un récit des plaisirs qui a définitivement perdu son « narrateur omniscient », son garant dune forme d’unité sociale et la cohérence de la relation. Celle-ci est désormais focalisée sur ses différents personnages, lesquels, dans certaines conditions peuvent même choisir leur scénario (c’est-à-dire, sans métaphore, leur droit et leur dynamisme). L’œuvre de partenariat aux amours sexuées n’est jamais accomplie : elle est prise par un processus de réécriture permanent qui rend extrêmement difficile la compréhension apportant ce sens à l’histoire.
Le désarroi est grand, notamment à l’intérieur de la citadelle bourgeoise qui, pour la spécificité de son objet, est restée le plus longuement ancrée aux anciennes certitudes : les plans qui paraissaient bien délimités se chevauchent, les niveaux hiérarchiquement ordonnés s’enchevêtrent, les confins autrefois nettement tracés paraissent maintenant flous, poreux, dans certains cas même effacés, les mots d’un lexique soigneusement codifié par des générations de parents, phénoménologie sociétale, s’effilochent, les catégories théoriques traditionnelles n’arrivent plus à accrocher la réalité, les concepts qui paraissaient de granit se clivent au contact des nouveaux phénomènes. Là où il y avait – ou il paraissait y avoir – de la pureté, maintenant, il semble n’y avoir que de l’hybridation. Cependant, la reconnaissance d’un groupe ou d’une nouvelle souche sociologique doit être « cliniquement[4] » expérimentée tout en sachant que pour pouvoir expérimenter l’étude et la confirmer, la souche doit être reconnue comme élément de validation. Ambigüité et paradoxe. La logique des interactions de valeurs peut expliquer pourquoi tel groupe de personnes agit de telle ou telle manière et juge en présence de telles ou telles informations dans le groupe, l’ethnie ou la formation socioprofessionnelle ou confessionnelle voire sexuelle [5] : « …  Mais, ce qui fonde l’ensemble, c’est l’inscription locale, la spatialisation et les mécanismes de solidarité qui leur sont corollaires. (…) Échanges « réels » ou échanges symboliques, cela est de peu d’importance ; en effet, la communication, dans son sens le plus large, ne manque pas d’emprunter les chemins les plus divers. »

Corps et hybridation
Des nouveaux rapports entre le corps et la machine, placés sous le signe de la chimère et de l’hybride ont été défini par le philosophe Bernard Andrieu. Selon ce dernier, Il s’agit en ce moment de rétablir notre reproduction du corps en discernant celui-ci avant tout comme un médiateur, une interface avec des machines[6]. Dans ce travail, le philosophe reste polarisé par des dualités en tentant de la dépasser. Mais ce faisant, il reste concentré sur les dualités qu’il cherche à dépasser.  
« …Avec l’hybride, il n’est plus question de remettre en question les limites, puisque celles-ci n’existent plus. On se retrouve dans des processus énactifs émergents sans limites précises. Avec l’hybridation, on entre dans l’éphémère, le provisoire. D’ailleurs, on n’est pas hybride, on le devient ! Bernard Andrieu a conclu son intervention sur l’avenir des prothèses qu’il espère voir devenir plus “bioniques”. En effet lorsque ces prothèses seront suffisamment connectées au système nerveux, il y aura reconfiguration de l’image du corps… »
La psychologie de groupe en jugeant de son bien fondé relève plus de la morale que du domaine psychologique quand « penser mal ou penser bien » est une façon d’organiser la société. Organisation utile à nos survies en permettant de comprendre que le monde ne peut se limiter à nos petites personnes et (mais) qu’en pensant aux autres, l’hybridation n’a de sens qu’en incorporant un respect mutuel des caractéristiques de chacun.

« …Mais ce jugement de valeur trouve rapidement sa limite si la morale devient « tout est dû aux générations plus âgées », car dans ce cas, la jeunesse écrasée (survie non assurée) ne pensera qu’à une chose : échapper aux règles. Et au lieu d’organiser la société, la « morale » n’aura fait que créer des tensions et des bases à des mouvements violents et destructeurs… »





[1] Jeannette Winterson, Pourquoi être heureux quand on peut être normal ? (2003) Paris, éditions de l’Olivier, traduction Céline Leroy.
[2] Que cela vienne des peuples du Nord européen, du SUD de la Méditerranée ou du centre EUROPE. Nous connaissons tous, peu ou prou, les invasions et les flux migratoires d’EST en OUEST que cela ait trait aux famines, aux religions, aux hégémonies d’un monarque quelconque non satisfait de ses frontières. Les seules dérogations au sens des marches forcées, ce furent les croisades qui (n’en doutons plus) furent une excuse et cette campagne menée par notre Napoléon vers la RUSSIE…
[3] La rumeur était rapportée à propos du ballet construit sur le Boléro de M. RAVEL.
[4] Voulant dire ici spécifique et technique, sans contestation possible, mais problème posé et admis comme possiblement réalisé et obtenir un résultat possiblement probant.
[5] Michel Maffesoli, Le Temps des tribus, Paris, éditions La Table ronde, 1988, p.48
[6] Bernard Andrieux, Colloque sur l’état des recherches entre hybridations du corps, insertions utilitaires et les diverses appropriations en cours, École de l'Image / Paris le 23 janvier 2012. Dans son propos, Andrieu tient à séparer son concept d’hybride de celui de cyborg. Le cyborg explique-t-il cherche à dépasser les catégories dualistes de la pensée occidentale, nature-culture, homme-machine, esprit-corps, etc.