Sexualité
et hybridation
L’hybridation, c’est une fécondation croisée entre deux
plantes aux propriétés différentes mais génétiquement compatibles. C’est par ce phénomène que la diversité est apparue, c’est également
par ce phénomène que l’on crée de nouvelles
« variétés ». Imaginons un descendant des vikings (barbares aux cheveux blonds et aux yeux
bleus) s’installant avec ses congénères sur deux axes d’envahissement en
royaume franc : un axe vers Lutèce et sa région, un axe normand vers la
Bretagne et les pays charentais. Ce qui devait se produire arriva au fin fond
des colonies extrêmes orientales pour des raisons cachées d’hégémonie et
voire de christianisation : la réunion de deux familles pour donner une
généalogie expansée. Encore que, dans la branche charentaise, les évènements
nous y font percevoir des corses, des marins faisant face aux Amériques et donc
s’en suivit un mariage corse/iroquois. Tout
cela pour exposer que l’hybridation humaine et sociologique vient par les
métissages et les imbrications des us et coutumes transportés, aménagés et
exploités aux fins de conciliations ethnologiques. Comment procéder à ces
assemblages sans voir et admettre les jeux sexuels (forcés ou consentis)
rapports entre ceux et celles qui vivent côte à côte. Il sera question en
conclusion de cette hybridation qui ne prend que très rarement : les
situations d’adoption. Parti de bons sentiments purs pour subvenir à la
fourniture de moments heureux d’un être qui n’a rien demandé pas même d’être
né, l’adoption se révèle être une hybridation parfait exemple de consentements
ou de manœuvres forcées pour se donner bonne conscience et remplir un vide
(celui de l’enfantement) que la nature aura refusé ou quand le temps aura fait
découvrir l’enfant (placé) adopté comme étant homosexuel[1].
Après ce rappel, remplaçons les mots pour avoir
la possibilité de mesurer le constat proposé.
Admettons, en première image, que nous désirions
produire des formes de société X dont les êtres qui la composent seraient compris
comme idéalement sociaux et ceux qui n'existeraient pas encore apparaissant
avec une marginalisation accentuée ou tout simplement une immigration (voulue,
forcée). Nous allons donc essayer de croiser des X existants à avec leurs us et
coutumes avec d’autres et, aussi, leurs habitus. En ce Moyen-Âge européen,
dénommés barbares, les hybridations ont largement été les résultats des
ingressions, des phénoménologie invasives de sociétés entre-elles[2].…
Nous constaterons des hybridations devenant des habitudes par leur
quotidienneté. Avec beaucoup de chance, un jour nous obtiendrons une forme de
race dont les protagonistes une fois bien installés, donnera naissance à des X,
métissage enregistré; une hybridation aura été réussie. Il est bon de savoir
que lorsque l’hybridation sociologique et l’hybridation sexuelle se pratique
artificiellement, les éléments issus de la première mixité sociale auront pour
la plupart les caractéristiques de la société la plus représentée. Dans de
nombreux cas, qu’ils soient de civilisations contemporaines ou des cultures
anciennes aux structures apparaissant comme continuelles, les morales d’une
même ethnologie pourtant déjà hybride, ne peuvent se métisser. Il devient
nécessaire de faire intervenir des éléments (guerre, famine, déplacement de
populations entières) très différents, de généalogies très étrangères, afin de
percevoir des mixtions croisées progressivement
étendues à des degrés différents à toute l’Europe continentale.
Je
reviendrai sur ce point montrant que la scène de la sexualité contemporaine est
le théâtre d’un foisonnement d’hybrides. Comment ne pas penser un seul instant
que les jeux sexuels ne seraient pas de l’hybride ? Nous pouvons nous
contenter du pouvoir religieux en la matière qui n’offre que la solution de la
reproduction. Nous pouvons aussi deviner ce que peut être cette sexualité
initiée par l’approche mentale du ou des plaisirs. Plaisirs des corps. Alors,
dans ces conditions, pourquoi ne pas rejoindre les esprits des poètes, des
peintres, des sculpteurs et autres artistes y compris ceux de la danse et de la
musique ? Peut être quelqu’un pourra-t-il, un jour, me confirmer ce que
Maurice Béjart demandait à ses danseurs (homme ou femme, impossible à
distinguer tant les costumes étaient à minima et identiques) de rechercher
l’orgasme en s’exprimant avec leur corps et finir le ballet en sublimation [3] . Les images de consensus entre les acteurs forcément
orgasmique et surtout très onaniste ne procuraient rien dans la salle ou chez
les regardeurs mais la pensée restait une pensée hybride : des danseurs,
il en était fait des corps exposés évoluant sous la musique des transes.
Il
est temps, maintenant, d’illustrer une seconde image. Elle représente le
paysage de la sexualité et des jeux sexuels actuels. Les intentions ont perdu de
leur pureté car elles sont nuancées, mélangées. Les contours des figures sont flous
et la perspective est multiple, comme dans les tableaux des impressionnistes, de
Cézanne et des cubistes puis les surréalistes. La scène du jeu sexuel ou de la
nature des relations sexuelles est animée par une pluralité d’acteurs qui
participent activement à la production d’un récit des plaisirs qui a
définitivement perdu son « narrateur
omniscient », son garant dune forme d’unité sociale et la cohérence de la
relation. Celle-ci est désormais focalisée sur ses différents personnages,
lesquels, dans certaines conditions peuvent même choisir leur scénario
(c’est-à-dire, sans métaphore, leur droit et leur dynamisme). L’œuvre de
partenariat aux amours sexuées n’est jamais accomplie : elle est prise par un
processus de réécriture permanent qui rend extrêmement difficile la
compréhension apportant ce sens à l’histoire.
Le
désarroi est grand, notamment à l’intérieur de la citadelle bourgeoise qui,
pour la spécificité de son objet, est restée le plus longuement ancrée aux
anciennes certitudes : les plans qui paraissaient bien délimités se
chevauchent, les niveaux hiérarchiquement ordonnés s’enchevêtrent, les confins
autrefois nettement tracés paraissent maintenant flous, poreux, dans certains
cas même effacés, les mots d’un lexique soigneusement codifié par des générations
de parents, phénoménologie sociétale, s’effilochent, les catégories théoriques traditionnelles
n’arrivent plus à accrocher la réalité, les concepts qui paraissaient de granit
se clivent au contact des nouveaux phénomènes. Là où il y avait – ou il
paraissait y avoir – de la pureté, maintenant, il semble n’y avoir que de
l’hybridation. Cependant, la reconnaissance d’un groupe ou d’une nouvelle
souche sociologique doit être « cliniquement[4] »
expérimentée tout en sachant que pour pouvoir expérimenter l’étude et la
confirmer, la souche doit être reconnue comme élément de validation. Ambigüité
et paradoxe. La logique des interactions de valeurs peut expliquer pourquoi tel
groupe de personnes agit de telle ou telle manière et juge en présence de
telles ou telles informations dans le groupe, l’ethnie ou la formation
socioprofessionnelle ou confessionnelle voire sexuelle [5] :
« … Mais, ce qui fonde l’ensemble,
c’est l’inscription locale, la spatialisation et les mécanismes de solidarité
qui leur sont corollaires. (…) Échanges « réels » ou échanges
symboliques, cela est de peu d’importance ; en effet, la communication,
dans son sens le plus large, ne manque pas d’emprunter les chemins les plus
divers. »
Corps et hybridation
Des
nouveaux rapports entre le corps et la machine, placés sous le signe de la
chimère et de l’hybride ont été défini par le philosophe Bernard Andrieu. Selon
ce dernier, Il s’agit en ce moment de rétablir notre reproduction du corps en discernant
celui-ci avant tout comme un médiateur, une interface avec des machines[6]. Dans ce
travail, le philosophe reste polarisé par des dualités en tentant de la
dépasser. Mais ce faisant, il reste concentré sur les dualités qu’il cherche à
dépasser.
« …Avec
l’hybride, il n’est plus question de remettre en question les limites, puisque
celles-ci n’existent plus. On se retrouve dans des processus énactifs
émergents sans limites précises. Avec l’hybridation, on entre dans l’éphémère,
le provisoire. D’ailleurs, on n’est pas hybride, on le devient ! Bernard
Andrieu a conclu son intervention sur l’avenir des prothèses qu’il espère voir
devenir plus “bioniques”. En effet lorsque ces prothèses seront suffisamment
connectées au système nerveux, il y aura reconfiguration de l’image du corps… »
La
psychologie de groupe en jugeant de son bien fondé relève plus de la morale que
du domaine psychologique quand « penser mal ou penser bien » est une
façon d’organiser la société. Organisation utile à nos survies en permettant de
comprendre que le monde ne peut se limiter à nos petites personnes et (mais)
qu’en pensant aux autres, l’hybridation n’a de sens qu’en incorporant un
respect mutuel des caractéristiques de chacun.
« …Mais ce
jugement de valeur trouve rapidement sa limite si la morale devient « tout est
dû aux générations plus âgées », car dans ce cas, la jeunesse écrasée (survie
non assurée) ne pensera qu’à une chose : échapper aux règles. Et au lieu
d’organiser la société, la « morale » n’aura fait que créer des tensions et des
bases à des mouvements violents et destructeurs… »
[1]
Jeannette Winterson, Pourquoi être
heureux quand on peut être normal ? (2003) Paris, éditions de l’Olivier,
traduction Céline Leroy.
[2] Que cela
vienne des peuples du Nord européen, du SUD de la Méditerranée ou du centre
EUROPE. Nous connaissons tous, peu ou prou, les invasions et les flux
migratoires d’EST en OUEST que cela ait trait aux famines, aux religions, aux
hégémonies d’un monarque quelconque non satisfait de ses frontières. Les seules
dérogations au sens des marches forcées, ce furent les croisades qui (n’en
doutons plus) furent une excuse et cette campagne menée par notre Napoléon vers
la RUSSIE…
[3] La
rumeur était rapportée à propos du ballet construit sur le Boléro de M. RAVEL.
[4] Voulant
dire ici spécifique et technique, sans contestation possible, mais problème
posé et admis comme possiblement réalisé et obtenir un résultat possiblement
probant.
[5] Michel
Maffesoli, Le Temps des tribus,
Paris, éditions La Table ronde, 1988, p.48
[6] Bernard
Andrieux, Colloque sur l’état des recherches entre hybridations du corps, insertions
utilitaires et les diverses appropriations en cours, École de l'Image /
Paris le 23 janvier 2012. Dans son propos, Andrieu tient à séparer son concept
d’hybride de celui de cyborg. Le cyborg explique-t-il cherche à dépasser les
catégories dualistes de la pensée occidentale, nature-culture, homme-machine,
esprit-corps, etc.